Par Antonia Moine, Psychologue Psychothérapeute Psychanalyte, Spécialiste de la thérapie de couple à Paris 9
Aimer c'est transcender sa propre subjectivité au risque de la perdre. Car aimer est un aller vers l'autre qui implique une altération et une remise en question de soi. Mouvement vers l'autre qui se nourrit de l'illusion nécessaire de complétude, de fusion-passion, au réveil brutal....
Nous ne sommes qu’un. Chacun sait bien sûr que ce n’est jamais arrivé entre deux qu’ils ne fassent qu’un, mais enfin nous ne sommes qu’un.[1] La condition de faire Un est l’Autre[2] ; en dehors de l’altérité, il y a l’Un de l’amour pervers, celui qui traduit l’acte illusoire et désespéré de rattraper ce qui est définitivement perdu.
Dans l’émotion érotique de la rencontre amoureuse, une forme et un contenu, passagers et extérieurs sont vécus comme une authentique unité, cet UN qui obsède l’humanité depuis Aristophane. C’est le transfert qui crée un pont entre réalité interne et réalité extérieure, en transformant l’étranger en intime ; il pèche dans les mémoires du corps et récupère dans les profondeurs abyssales de l’inconscient l’obscur objet du désir. À travers la jouissance se réalisent sur le plan symbolique une réappropriation du sein et une réalisation de l’inceste.
Mais la passion qui permet de réaliser ce passage, ou cette promenade de l’un à l’autre,[3] est-elle toujours une perversion ?
La caractéristique des relations perverses est celle de demander une perfection et une extrême exigence exécutive au niveau qualitatif ; cela rappelle certains traits de caractère obsessionnel. Aussi, les incessantes demandes hystériques d’attention traduisent un mécanisme de fétichisation du rapport.
Ces couples ne se tiennent, donc, pas sur un investissement opérant et coopérant au niveau du réel, mais plutôt sur l’investissement d’objets ou situations qui, si réalisées avec succès, ont le pouvoir magique de réactiver le fantasme de l’objet d’amour total propre de la phase de la rencontre, qui rappelle la rencontre originaire.
Antonia Moine
Psychologue Psychanalyste à Paris 9
[1] J.Lacan (1975), Le Séminaire, livre XX, Encore, Éd.Seuil, p. 61.
[2] J.Lacan (1968-1969) de D’un Autre à l’Autre, op.cit. p 366
[3] Ibid. : je reprends les termes que Lacan aurait voulu utiliser comme titre pour ce séminaire, en guise de ballade(dit-il). p 355.